Le Chemin de la mémoire à Vyle-et-Tharoul

À l’occasion de notre sortie sur le Chemin de la mémoire à Vyle-et-Tharoul, nous nous sommes remémorés ce que fut la Résistance en Belgique durant la seconde guerre mondiale. Ce sentier nous a fait découvrir un site de parachutage, la Baleine. Le présent article décrit les opérations de parachutage et l’histoire du site de la Baleine.

Dès le début de la guerre et même un peu avant, des îlots de résistance se sont créés en Belgique. Très vite, les responsables à Londres ont compris que ces résistants ne pourraient être utiles que si des canaux de communication étaient établis.

Il faudrait leur faire parvenir du matériel de communication, de l’argent mais aussi de l’armement pour des opérations de sabotage. Il fallait donc organiser des procédures de parachutage et même, dans certains cas, des procédures d’atterrissage en pays occupé.

Jusqu’en 1943, il n’y eut que 5 terrains de parachutage en Belgique. Mais, en prévision du débarquement et des missions qui seraient demandées à la Résistance, une étude préconisa la recherche de 60 terrains. La Baleine sera l’un d’eux.

Il n’a pas été possible de voir à partir de quelle date ces terrains ont été utilisés. 20 réseaux de communication avaient été créés mais 14 devaient rester silencieux avant le débarquement. On peut penser qu’il en a été de même pour de nombreux sites de parachutage. On n’a pas retrouvé de détails sur l’utilisation de la Baleine avant septembre 1944.

Les parachutages se faisaient évidemment lors de nuits claires des 2e et 3e quartiers de lune. Il ne pouvait pas y avoir de brouillard durant tout le vol qui se faisait à vue au-dessus de territoires soumis au black-out. Les équipages étaient particulièrement entraînés. Notons qu’un de ces pilotes a effectué 290 missions dont de nombreuses avec atterrissage. Quel courage car on ne savait jamais si des Allemands ne seraient pas à l’arrivée !

Au début, il a fallu infiltrer des équipes spécialisées pour expliquer les techniques à utiliser. L’avion larguait des containers en métal pesant de 20 à 35 kg selon leur taille. Un container standard contenait 70 kg d’explosifs ou 12 mitraillettes et 3600 munitions, par exemple. Vers la fin de la guerre, de plus grands containers ont été utilisés.

Au début, l’avion larguait 5 containers mais, à partir de 1943, les besoins se sont accrus et des avions plus puissants ont permis de larguer 10, 15 et même 24 containers lors d’une mission. C’était un travail immense pour les résistants de les retrouver, les rassembler et les cacher, tout cela de nuit.

On peut avoir une idée de l’importance de ces missions si on sait que le groupe G (une partie de l’armée secrète) a réceptionné 69 containers en mars 1944, 345 en mai et 225 en juin !

Les terrains devaient avoir environ 500 m sur 500. Ils devaient être loin de toute garnison allemande et être entourés de bois offrant des cachettes. Ils étaient signalés par 4 lampes (souvent de simples lampes de poche), 3 rouges en ligne, distantes de 100 m dans la direction du vent. Une lampe blanche était située à 50 m d’une lampe rouge, à 90° par rapport à la série de lampes rouges. Elle permettait de connaître le sens du vent et allait donner, en morse, un code pour confirmer au pilote que c’étaient bien des résistants sur le terrain. Au début, il n’y avait pas de contact avec le pilote mais par la suite, le S-phone, une radio portant à une vingtaine de km, a facilité la communication.

La venue d’un avion était annoncée par un message radio vers 19h (par exemple, « la baleine allaite ses petits »). 15 à 20 hommes se rendaient alors sur le terrain : 2 à chaque lampe et le reste dispersé pour avoir plus de chances de bien voir où les containers tombaient.

Le matériel réceptionné était caché et inventorié. 10 à 15% restait à la disposition du groupe qui en avait assuré la réception mais le délégué national répartissait le reste en fonction des besoins des autres groupes. Commençaient alors les périlleux transports. Une technique utilisée était de déposer une valise dans un wagon et de la surveiller de loin. En cas de contrôle, le matériel serait perdu mais le résistant pouvait en général s’échapper. Il existait des compagnies de transport ouvertement pro-allemandes. Certains de leurs chauffeurs étaient des résistants infiltrés qui prenaient le risque de transporter du matériel plus volumineux.

La mobilisation des 3 sections en charge de la Baleine a eu lieu le 28 août 1944. Le 1er septembre, les maquisards prennent position. Ils ont auparavant jeté des clous sur certaines routes et ont détruit les poteaux indicateurs.

Un parachutage est prévu le 2 septembre. Les hommes prennent position mais l’avion ne viendra pas. Retour aux cachettes à 4h.

Le 3 à 8h, un civil est intercepté. Il s’agit d’un Russe et on décide de le reconduire les yeux bandés. Mais, vers midi, une auto allemande surgit sur la plaine. L’officier repère des hommes, dont le petit groupe qui accompagne le prisonnier et il y a des échanges de tir.

Les 3 et 4 septembre sont calmes mais les résistants se rendent compte que de nombreux Allemands en déroute se sont arrêtés dans les environs proches : 90 SS à la ferme de Tahier, environ 150 dans le village de Vyle, d’autres encore au château de Bagatelle.

Le 6 septembre, attaque des bois de Bagatelle. Les hommes se replient dans les bois et les Allemands se retirent. À 20h, un parachutage est annoncé. La plaine est occupée à 22h sous une pluie diluvienne. Premier parachutage à 1h suivi d’un autre à 3h. Les hommes peinent à récupérer les containers car le sol est détrempé. Les Allemands attaquent des 2 côtés de la plaine et se dissimulent à l’orée des bois. Les hommes doivent ramper dans la boue pour retrouver un couvert.

Le 7 septembre, les hommes sont éreintés. Ils n’ont pratiquement pas dormi, pas mangé depuis 2 jours mais ils poursuivent la récupération du matériel.

Le 8 septembre, nouvelle attaque de la plaine. A 15h et à 17h30, des positions sont attaquées mais les hommes ripostent et les Allemands s’enfuient. Les premiers Américains arrivent ce même jour.

23 résistants ont perdu la vie durant cette période lors des différentes attaques allemandes. Ils font partie des 15.000 hommes et femmes fusillés, pendus, décapités ou morts en détention, le plus souvent après de terribles séances de torture lors d’interrogatoires.

Jean Jean